
En date du 22 octobre 2025, le siège de la Fondation IDMAJ pour le Développement a
accueilli les membres du Centre
Menassat pour la
présentation de son rapport
de recherche « Femmes, espace public et libertés
individuelles ».
L’événement a connu la présence
effective du président de la Fondation
IDMAJ M. Boubker Mazouz, du directeur du
centre Menassat, Pr. Aziz Mechouat, et celle de M. Mouhcine Mohamed Rahouti, professeur
de sociologie et chercheur principal au sein du même centre. La rencontre a été
modérée par Fatima Ika, chargée de
projets à Menassat, et a connu une participation active de chercheurs,
d’acteurs associatifs, et de nombreuses femmes bénéficiaires des actions et
programmes d’accompagnement de la Fondation centre IDMAJ.
Les échanges de cette rencontre
ont été centrés sur l’accès
des femmes à l’espace public, mettant en lumière les défis rencontrés, les dynamiques sociales mises en
jeu et les stratégies
d’adaptation adoptées par les femmes pour accéder à cet espace
en toute sécurité. Ces
discussions ont été nourries par les résultats du rapport présenté et qui est
le fruit d’une enquête nationale menée dans le cadre du Programme JIL des formateurs Abdelkebir
Khatibi pour la saison 2024-2025. La recherche avait porté sur un échantillon de 1 584 interviewés,
répartis de manière égale entre femmes
et hommes. Elle visait à comprendre les représentations des Marocains autour de l’accès des femmes à l’espace public,
en explorant les perceptions, les attitudes et les expériences vécues dans
différents contextes sociaux et territoriaux.
Boubker Mazouz : La
complémentarité entre recherche et action associative, un levier du changement
social
Lors de son mot d’ouverture, M.
Boubker Mazouz, a souligné l’importance du dialogue entre la recherche
scientifique et le travail de terrain. Selon lui, la connaissance produite par
les chercheurs ne prend tout son sens que lorsqu’elle s’ouvre sur les acteurs
associatifs qui agissent directement auprès des populations concernées.
Mazoz a mis en avant la complémentarité incontournable entre ces deux univers,
considérant leur synergie comme un moteur essentiel de la transformation
sociale.
M. Mazouz a également plaidé pour le renforcement des partenariats durables
entre les institutions de recherche et les organisations de la société civile,
afin de co-construire des solutions fondées sur des diagnostics rigoureux et
sur la réalité vécue des femmes marocaines.
Aziz Mechouat :
La présence féminine dans l’espace public, un processus de négociation
symbolique
Pour sa part, Aziz Mechouat, a
présenté une lecture analytique et critique des résultats du rapport. Il a mis
en avant le caractère dynamique et négocié de la présence féminine dans
l’espace public, décrivant cette présence comme un processus de dialogue
permanent entre les femmes et la société. Il estime dans ce sens que les
comportements féminins dans l’espace public s’apparentent souvent à des formes
de « négociation symbolique » avec les normes sociales.
Il a notamment évoqué le port du voile comme un exemple de « stratégie
sociale d’adaptation », interprété non seulement comme un choix religieux,
mais aussi comme une modalité d’autonomie et de liberté dans un environnement
social contraint. Mechouat a également
insisté sur la nécessité d’un va-et-vient constant entre la recherche et
l’action associative, afin de transformer la connaissance en un outil concret
de compréhension des enjeux sociétaux pour mieux orienter les actions des
acteurs associatifs.
Mohcine Rahouti : « Extraire la recherche
académique des enclaves universitaires
De son côté, Mohcine Mohamed
Rahouti a mis en avant la dimension
empirique et sociale du travail de recherche mené par le Centre
Menassat, rappelant que la production de
savoirs ne prend tout son sens que lorsqu’elle s’ancre dans les expériences
concrètes des acteurs sociaux et contribue à éclairer les
dynamiques du changement. Selon l’intervenant,
ce type d’initiative permet de faire sortir la recherche des cadres académiques
pour l’ancrer dans les réalités vécues par les femmes marocaines. Il explique
que la question du rapport des femmes à l’espace public et aux libertés
individuelles constitue un indicateur central des mutations sociales à l’œuvre
dans le pays.
C’est dans cette
perspective que l’étude en explorant les perceptions, attitudes et expériences
des femmes vis-à-vis de leur présence dans l’espace public, a révèlé
que 66 % des femmes
interrogées perçoivent le voile comme étant une forme de protection,
tandis que 86 % déclarent ne
pas connaître l’existence de lois protégeant leurs droits dans
cet espace. La recherche à également dévoilé que seules 5 % des participantes
connaissent les dispositions de la loi
103.13 sur la lutte contre la violence faite aux femmes, et 3 % sont engagées dans une
association. Ces chiffres, selon Rahouti, traduisent un faible niveau de connaissance et de
conscience juridique et civique, et confirment la nécessité d’une meilleure articulation
entre recherche académique, sensibilisation sociale et action citoyenne.
En guise de conclusion,
les différents intervenants ont insisté sur la nécessité de renforcer les
passerelles entre la recherche scientifique et l’action associative, en vue de
produire une connaissance socialement utile, ancrée dans la réalité marocaine
et porteuse de transformation. Ils ont souligné que les savoirs issus de la
recherche ne prennent leur pleine valeur que lorsqu’ils dialoguent avec les
pratiques de terrain, contribuant ainsi à éclairer les politiques publiques, à
sensibiliser les citoyens et à soutenir les dynamiques locales du changement
social.
Pour rappel, le Centre Menassat pour les recherches et
les études sociales est un espace ouvert dédié à la production, à la diffusion
et à la valorisation du savoir scientifique en sciences sociales. Il œuvre à
rapprocher la recherche académique des réalités sociales en menant des enquêtes
de terrain, en accompagnant les jeunes chercheurs et en favorisant le dialogue
entre les milieux universitaire, associatif et institutionnel. À travers ses programmes,
Menassat s’engage à renouveler les approches de recherche, à éclairer les
mutations sociales de la société marocaine et à renforcer la culture du débat
public fondé sur les approches scientifiques et rationnelles.
