Le centre Menassat pour les Recherches et les études Sociales, avait lancé́ une étude de terrain durant l’été 2021. L’étude dont l’intitulé est « Les Libertés Individuelles : Représentation et pratiques » a porté sur un échantillon représentatif de 1311 répondants. Elle a été réalisée par un questionnaire contenant 103 questions qui ont été réparties sur trois axes essentiels à savoir : les représentations du corps, de la liberté de conscience et de la sexualité. L’administration du questionnaire a été effectuée entre juin et juillet 2021.
Le corps : Quelles représentations ?
L’étude a pu démontrer que 50% des enquêtés considèrent que le style vestimentaire de la femme est une liberté individuelle. Les variables du sexe, de l’âge, du niveau scolaire et du logement des personnes enquêtés, n’ont pas eu une grande incidence sur le taux déclaré, ce qui signifie une attitude positive qui prévaut malgré le fond de conservatisme religieux et traditionnel qui caractérise les marocains.
L’étude a aussi démontré qu’un taux de 61.2% des enquêtés ont exprimé leur approbation en ce qui concerne le port du voile chez les femmes, un taux plutôt plus élevé chez le sexe féminin (65.3%), en comparaison avec le sexe masculin (57.1%). Le port du voile chez la femme dans l’espace public trouve ses origines dans les référents religieux. 62.5% estiment qu’il faut se proscrire à la religion islamique.
38% des enquêtés qui approuvent le port du voile estiment que ce dernier éviterait les harcèlements contre les femmes et les médisances des gens.
Par ailleurs 3.8% ont clairement exprimé leur attitude contre le port du voile. Aussi minime que soit cette catégorie, mais il faut s’arrêter sur la cause de leur opposition, dans le sens où 67.3% ont exprimé que le fait de porter ou non le voile demeure une liberté individuelle. Alors que 30.9 % ont expliqué que les femmes sont égales aux hommes et donc, il ne faut pas les obliger à porter le voile.
80% des enquêtés ont déclaré que la virginité est une preuve de chasteté, de religiosité et de bonne éducation. Par contre ceux qui minimisent l’importance de la virginité lors du mariage, insistent que les bonnes valeurs ne puissent en aucun cas lier l’honneur de la femme et la virilité de l’homme à la virginité.
La liberté individuelle et la sexualité
76.3% des enquêtés ont déclaré que les relations sexuelles consensuelles sont très répandues dans la société marocaine. 60% d’entre ces enquêtés ont confirmé leur connaissance avec une fille ou un garçon entretenant des relations sexuelles consensuelles.
50% de l’échantillon enquêté, tout en prenant en considération les variables sur lesquels a reposé la recherche, ont estimé que le fait d’entretenir des relations sexuelles consensuelles avant le mariage, que cela soit pour les filles ou les garçons, était une liberté individuelle. Or que ceux qui ont exprimé leur refus catégorique pour les relations sexuelles consensuelles et qui représentent un taux de 77.6% , expliquent que cela est interdit par la religion.
En ce qui concerne leur attitude par rapport aux relations des homosexuels, 60% des enquêtés ont déclaré leur refus à ce que les personnes homosexuelles déclarent en plein public leurs orientations sexuelles. 30% d’entre eux ont reconnu avoir connaissance directe avec des personnes homosexuelles, ce qui signifie à notre sens que malgré leur attitude par rapport à cette question, les enquêtés éprouvent une certaine tolérance par rapport à ce sujet.
Un taux de 60% a été enregistré pour les personnes qui ont approuvé une éducation sexuelle au sein des établissements scolaires, alors que 20% ont été contre, et le reste n’ont eu aucune attitude précise par rapport au sujet.
69.2% des enquêtés ignorent l’existence de l’article 490 qui pénalise les relations sexuelles hors cadre du mariage. Mais une fois pris connaissance du contenu de l’article, 50.4% ont approuvé son existence. Or que uniquement 27.2% se sont opposés à l‘article, dont 48.3% d’entre eux ont défendu le principe des libertés individuelles, et 24.3% parmi eux ont estimé que la fonction de la loi n’est pas de produire les mœurs et l’éducation. Ces attitudes signifient que ces personnes sont conscientes et sensibles aux changements des valeurs de la société marocaine.
Un taux de 11.6% s’opposent à l’article 490, car ils estiment que la loi n’est pas applicable sur tous les marocains de manière équitable, et ce pour des considérations liées à la puissance du pouvoir et le prestige social de l’individu, ce qui signifie dans un sens que la catégorie qui refusent cet article, l’acceptent en principe, mais refusent plutôt les conditions sociales de son application et de sa pratique.
Citoyenneté, Droits humains et liberté de culte
Le sentiment identitaire de citoyenneté vient après le sentiment identitaire de la religiosité, l’étude a pu déceler que la moitié des personnes enquêtés se reconnaissent en tant que musulmans premièrement, or que 23,6% s’identifient comme étant des citoyens marocains de prime abord.
72,6% des enquêtés refusent qu’un marocain en accuse un autre d’athée, alors qu’uniquement 4,7% ont approuvé cela, or que 22,9% n’ont aucune attitude précise par rapport à ce sujet.
46.8% des enquêtés estiment que l’application de la religion islamique est la solution pour résoudre tous les problèmes des pays musulmans. Or que 22% refusent cela, et presqu’un tiers de l’échantillon n’ont aucun position précise.
Plus le niveau scolaire est bas plus les enquêtés croient que l’application de la religion est susceptible de résoudre les problèmes des sociétés musulmanes. Le taux d’entre ceux qui le croient est 52% et qui ne sont pas scolarisés, dont 43% pour ceux qui ont été au Msid, 71.7% ont juste le niveau primaire, alors que le taux de ceux qui ont le niveau supérieur n’atteint que 38%.
Le taux des personnes qui croient en la liberté de culte, la tolérance envers la religion et les doctrines, demeure assez intéressant, mais a tendance à la baisse lorsqu’il s’agit de passer du niveau d’expression des principes et des opinions, vers le niveau de l’attitude par rapport aux situations sociales que l’on peut rencontrer quotidiennement.
73.66% des enquêtés ignorent le contenu du l’article de loi 222 qui pénalise les personnes qui mangent le ramadan en public. 55% approuvent l’existence de cet article, or qu’uniquement 28% sont pour son abrogation, alors que le reste de l’échantillon sont restés hésitants par rapport au sujet.
ll est à noter que l’étude s’inscrit dans le cadre du programme JIL lancé par MENASSAT pour les recherches et les études sociales. Le programme vise à réhabiliter et compléter la formation de 20 jeunes chercheurs dans le domaine des sciences sociales afin d'améliorer leurs capacités de recherche liées aux techniques de recherche théoriques et sur le terrain et de les présenter à l'opinion publique et les décideurs d'une manière qui sert positivement les grands enjeux de société que sont la rationalisation, le développement, la démocratie et la liberté.