Dans la continuité des rencontres-débat autour des « Femmes,
Libertés Individuelles et Changement Social » le Centre Menassat pour les
Recherches et les Études Sociales a organisé une activité en date du vendredi
26 juillet à 15h au Campanile de Casablanca. Cette rencontre a réuni le
professeur et anthropologue CHAKIB GUESSOUS, la militante associative et
experte en genre TOURIA EL OUMRI, ainsi que SALAHEDDINE LEMAIZI, journaliste et
rédacteur en chef de « ENASS ». La modération a été assurée par le sociologue
ABDERAHMAN ZAKRITI, membre principal de Menassat.
La rencontre est un prolongement des discussions autour de l'accès
des femmes à l'espace public, tout en
mettant l’accent sur les acquis, les progrès réalisés et les défis à relever
pour instaurer l'égalité et la justice. D’autant plus qu’à la lumière des
différentes chartes et conventions sciemment ratifiées par le Maroc afin de
garantir les droits fondamentaux des femmes.
A savoir que l’activité prend comme point de départ la recherche
nationale quantitative réalisée par le centre Menassat autour des « Femmes,
Espace Public et Libertés Individuelles », qui a couvert 1528 interviewés
hommes et femmes à travers le Maroc. Cette étude a examiné les perceptions et
représentations des Marocains sur l'accès
des femmes à l'espace public, le degré de sécurité lors de cet accés, la
liberté du corps et plusieurs autres axes concernant les femmes. Les premiers
résultats de cette recherche ont relevé plusieurs inégalités et une
invisibilité persistante des femmes de cet espace, ce qui suscite
plusieurs interrogations et se contredit
avec les principes des droits humains et des libertés individuelles.
" L'importance de la recherche de terrain scientifique dans
l'encadrement des facteurs culturels et sociaux "
ABDERAHMAN ZAKRITI a souligné l'importance de la recherche
scientifique pour encadrer les facteurs culturels et sociaux. L’intervenant a
fait un tour d’horizon autour des principaux axes de l’enquête, ainsi que
quelques résultats préliminaires de l'enquête nationale quantitative « Femmes,
Espace et Libertés Individuelles » qui a été menée par Menassat dans le cadre
du programme « JIL FATIMA MERNISSI ». Il a insisté sur l'importance de cette
recherche qui encadre, selon lui, les facteurs culturels et sociaux et qui joue
un rôle crucial dans la formation des opinions et des attitudes des marocains
par rapport aux libertés des femmes dans
l'espace public.
Zakriti a également souligné que la recherche aborde des questions culturelles, sociales et
juridiques liées à la liberté des femmes, en mettant l’accent sur la mesure
dans laquelle, les lois et la culture
locales influencent leurs pratiques dans les espaces privés et publics. Ce qui,
selon l’intervenant, reflète la diversité des
tendances entre l’acceptation et le rejet de la liberté des femmes et
l’exercice de leur droit d’accès et d’exploitation de l’espace public au même
pied d’égalité que les hommes.
"La femme marocaine : entre hier et aujourd'hui."
CHAKIB GUESSOUS a mis en évidence le rôle central de l'espace
public dans les sociétés humaines et a souligné que, malgré les progrès
significatifs réalisés depuis le XIXe siècle, la présence des femmes dans cet
espace reste limitée et conditionnée par la présence masculine. Chakib Guessous estime que même si les femmes sont désormais
plus présentes dans l'espace public, elles sont confrontées à de multiples
risques, notamment le harcèlement, les agressions physiques et sexuelles, ainsi
qu'un manque flagrant en termes de sécurité. Ce qui remet, certes, en question l'efficacité des lois et accords
internationaux ratifiés par le Maroc en matière de droits humains visant à
garantir un accès libre et sûr des femmes à l'espace public.
" Renforcer l'accès sûr aux espaces publics est une
nécessité urgente pour lutter contre la discrimination systématique à l'égard
des femmes."
TOURIA EL OUMRI a mis l'accent sur le besoin urgent de créer des
espaces publics sécurisés pour les femmes afin de lutter contre la
discrimination des femmes. Accusant les acteurs de différents tissus sociaux,
de ne pas prendre les mesures concrètes qui garantissent un accès sauf et sûr
des femmes à l’espace public, au même titre que les hommes. Elle a plaidé pour une reconsidération de la
conception urbaine et la mise en place de mesures de sécurité adaptées pour
garantir un accès sûr et libre des femmes à l'espace public.
Pour conclure, El Oumri a
souligné que la capacité d'accéder et de
bénéficier de l'espace public est
considérée comme un tournant décisif pour en finir avec les disparités entre
hommes et femmes. Elle considère qu’il incombe aux autorités
de garantir un accès sûr des femmes à l'espace public. , que cela soit dans les villes ou bien dans les
villages.
"Défis de la présence des femmes dans l'espace public marocain
: de la légitimité à la justice sociale"
SALAHEDDINE LEMAIZI a présenté trois points clés concernant la
présence des femmes dans l'espace public marocain. Le premier point indique-il,
c’est : la légitimité et la masculinité comme éléments de réflexion, qui questionne autour de la légitimité des
débats autour du genre par des hommes, estimant que les femmes sont plus aptes
à discuter de leurs expériences. Dans ce sens, Lemaizi admet la contribution
féminine effective dans la lutte contre
la vision colonialiste pour l’émancipation des femmes.
Le deuxième élément, selon Le journaliste, c’est le genre, la
justice sociale et l'espace public qui interroge sur le statut de la femme dans l'espace
public. Dans ce sens, Lemiazi estime que cette présence est un aspect de la
justice sociale, qui permet aux femmes de revendiquer leurs droits et leur
statut, que ce soit à travers des manifestations ou sur le marché du travail.
Cependant, l'intervenante estime que l'exposition des femmes à la violence
structurelle les amène souvent à se retirer de ces espaces.
Finalement, le troisième élément, selon Lemiazi, c’est le code de
la famille et l'espace médiatique public : Polarisation, désinformation et
conformisme", dans lequel il souligne la nécessité d'examiner la manière
dont les femmes (travailleuses, réfugiées...) sont représentées dans les
espaces médiatiques et de les renforcer pour devenir plus équilibrées et
inclusifs, compte tenu de l'absence significative des femmes de ces espaces.
Pour rappel, cette rencontre s'inscrit dans le cadre des
préparatifs pour le lancement des
résultats de la recherche quantitative réalisée par le Centre Menassat autour
des " Femmes, Espace public et Libertés Individuelles", qui entre
dans le cadre du programme « JIL FATIMA MERNISSI ». Ce programme vise à former
et à qualifier des jeunes chercheurs en sciences humaines par le biais
d'ateliers et de sessions de formation animés par les meilleurs spécialistes et
experts du domaine. Le programme JIL vise aussi à impliquer les jeunes
chercheurs dans les débats sociétaux à travers l’usage des techniques du
plaidoyer. L’objectif est de pouvoir dialoguer avec les acteurs institutionnels
à travers les Policy Papers dont les sujets sont puisés de la société
marocaine, et reposent sur les résultats du produit scientifique soulevé du
terrain.