1ère Assise JIL : Pour une tutelle légale équitable entre le père et la mère


Dans le cadre des Output du programme JIL Fatima Mernissi, Menassat a organisé la 1ère assise JIL en date du Samedi 14 décembre 2024, au Novotel Mohammedia. La rencontre a abordé un Policy Paper autour du : « Droit de tutelle légale des femmes sur les enfants : Dans la nécessité d’une tutelle équitable entre le père et la mère ». Le billet en question a été présenté par la lauréate de JIL Latifa Gonbark, et a connu la présence effective du membre du bureau exécutif du PPS, MME. Fouzia El Harchaoui, de l'avocate et militante MME. Yasmine Zaki, et du président de l'Organisation Marocaine pour les Droits de l'Homme, M. El hassan El Idrissi. La rencontre a été modérée par la journaliste Fatima Yassine, en présence de plusieurs personnalités du tissu social, associatif et médiatique.
Latifa Gonbark: une souffrance quotidienne due à l’injustice juridique
Dans son Policy Paper, Latifa Gonbark s’est arrêtée sur l'injustice dont sont victimes les femmes en termes de tutelle sur les enfants, surtout que  cette responsabilité est légalement reléguée au père, que cela soit pendant le mariage ou après le divorce.
Le billet en question s’est appuyé sur des cas concrets de femmes qui souffrent à cause de certains articles de lois qui les maintiennent à la merci du père, même dans des situations où ce dernier est physiquement ou moralement absent de la vie de ses enfants. Cet état de fait cristallise le principe des inégalités  entre la mère et le père en termes de tutelle, tout en sachant que la femme est actuellement un acteur essentiel et direct dans toutes les dynamiques sociales de la société marocaine, ce qui interroge les lois mises en vigueur qui contraignent ses droits et libertés.
Dans ce sens, la lauréate a appelé à une révision complète des articles juridiques portant sur la tutelle, notamment les articles 236 et 238 du Code de la famille, pour garantir qu’elle soit légalement et équitablement partagée entre la mère et le père. Elle recommande également de permettre à la mère de prendre des décisions fondamentales, comme le transfert des enfants d’une école à l’autre, sans recourir à l’autorisation du père en cas divorce. Le Policy Paper appelleégalement à l'importance de recourir au conseil familial en tant qu’institution médiane pour résoudre les conflits conjugaux tout en garantissant l'intérêt suprême des enfants.
El hassan El Idrissi : «La tutelle est légales » et non « légitime »
El hassan El Idrissi, président de l'Organisation Marocaine des Droits de l'Homme, a insisté sur l'importance d'adopter une approche prudente lors de l'étude des questions juridiques et législatives, soulignant que la loi n’est pas isolée des contextes sociaux dans lesquels elle est appliquée. El Idrissi considère que le Code de la Famille, acquis réalisé à l’issue d'un dialogue national consenti, mais qui demeure toujours enveloppé par l’ambiguïté au niveau des concepts et de l'application judiciaire, ce qui  nécessite l'urgence de sa révision.
El Idrisi a déclaré que la tutelle légale révèle des paradoxes au niveau de la Moudawana, qui est, en fait censée garantir la justice aux femmes. Il explique que le préambule qui encadre le code met l'accent sur l'égalité et la protection des droits des femmes, mais que des textes, tels que les articles 236, 237 et 238, établissent une discrimination claire à leur égard au niveau de la tutelle légale sur les enfants.
El Idrisi suggère dans ce sens,  de reconsidérer la terminologie concernant le terme « tutelle légitime», lié dans l’imaginaire social à la religion, et d’opter le concept de «tutelle légale », qui est lié au droit civil. Il explique que limiter ce droit aux hommes ne fait que biaiser le principe de l’égalité consenti dans les lignes de la Moudawana.
Par ailleurs, il a également souligné que la réforme du Code de la famille doit être réalisée sous une approche globale allant au-delà des aspects techniques, pour inclure une lecture approfondie des transformations sociales et culturelles de la société marocaine. Pour El Idrissi, cette approche de réforme permettra non seulement d'obtenir justice pour les femmes, mais renforcera la stabilité familiale et établira le principe de responsabilité conjointe entre les époux dans la garde des enfants.
Yasmine Zaki : Les biais juridiques du code de la famille
Yasmine Zaki a mis l’accent sur les aspects paradoxaux dans le contenu du Code de la famille, estimant que les textes actuels s’appuient sur un discours religieux et une terminologie jurisprudentielle au lieu de s’appuyer sur le volet juridique. A ce titre, Elle note que l'article 400, fait référence à la jurisprudence, conférant au code un caractère traditionnel qui contredit les exigences des conventions internationales ratifiées par le Maroc, entre autres, les Conventions qui stipulent « l’intérêt suprême  de l’enfant ».
Zaki a ajouté que ces textes véhiculent des contradictions évidentes lorsqu'ils sont traduits du français vers l'arabe, car ils perdent leur signification juridique et deviennent moins conformes au principe de justice et d'égalité que le code est censé refléter.
Zaki a appelé à la nécessité de revoir ces textes d'une manière conforme aux principes de justice et d'égalité, notant que les conditions imposées aux femmes en matière de tutelle légale reflètent une vision traditionnelle du rôle de la femme dans la famille et dans la société. Elle a appelé à l’adoption d’une approche juridique axée sur l’intérêt suprême des enfants et donnant à la mère des droits égaux à ceux du père dans la prise de décisions liées à la vie des enfants.
Fouzia El Harchaoui : L'égalité en termes de poursuites judiciaires est une réforme prioritaire
Fouzia El Harchaoui a mis en avant les problèmes profonds qui entravent la mise en vigueur du Code de la famille, soulignant que la discrimination entre hommes et femmes en matière de tutelle légale sur les  enfants constitue l’un des défis majeurs auxquels est confronté le Code sous sa forme actuelle.
El Harchaoui a souligné que l’article 231 du Code de la famille insiste sur la responsabilité du mari  et favorise l'exclusion de l'épouse, ce qui se contredit avec le contenu de l’article 4 qui stipule que la responsabilité est partagée entre les deux parties à titre égal. Cette contradiction juridique place les femmes dans des situations difficiles, car elles sont obligées de se soumettre à des procédures complexes et parfois de mener des batailles juridiques pour obtenir des droits fondamentaux, comme le transfert des enfants des écoles ou l'obtention de documents administratifs.
El Harchaoui a souligné que cette situation accentue la souffrance des femmes, en particulier, celles qui assurent la garde et supportent toute la charge financière et morale de leurs enfants, au même moment où elles sont tenues d'obtenir l'approbation d'un père absent ou qui néglige ses devoirs. Elle estime que ces lois emboîtent le processus de développement et ne vont pas de pair avec les dynamiques et les profondes transformations sociales de la société marocaine.
El Harchaoui a appelé à la nécessité de revoir les textes juridiques qui excluent les femmes de leur droit à la tutelle légale, de manière à garantir l’égalité des sexes. Elle a également appelé à combler les lacunes qui apparaissent dans la mise en vigueur du code la famille,  et à adopter une vision de réforme globale qui renforce les droits des femmes et garantisse la justice au sein de la famille.
Pour rappel, cette assise s'inscrit dans le cadre du programme JIL Fatima Mernissi, qui a consacré une douzaine de lauréats lors de cette version. Le programme a connu la réalisation de plusieurs Policy Papers dont les thématiques ont été puisées de la recherche nationale quantitative « Femmes, espace Public et Libertés Individuelles » dont le centre Menassat s’apprête à en annoncer le rapport final dans les jours qui viennent. Les billets réalisés abordent un ensemble de sujets qui concernent les transformations de la société marocaine et les débats ambiants autour des lois  mises en vigueur et qui ne vont pas toujours de pair avec les droits humains, les libertés individuelles et l’égalité des sexes, ce qui emboîte le processus de développement au Maroc.