
En partenariat avec l'Association Initiatives pour la
Protection des Droits des Femmes (IPDF) et l'Institut Interdisciplinaire des
Sciences Sociales (2I2S), le Centre Al-Batha
à Fès a accueilli la cinquième rencontre interactive: "La société
civile scientifique : Identité, Organisation et Perspectives" le 21 Mars
courant. Cette rencontre s'inscrit dans
le cadre des efforts déployés par le Centre Menassat visant à renforcer
l'intégration de la recherche et l'échange d'expériences entre les centres de
recherche académique et les associations de la société civile, afin de relever
les défis auxquels ces institutions sont confrontés, et trouver des pistes adaptés
pour leur développement.
Le premier panel de ce forum a connu la participation effective
du directeur de Menassat AZIZ MECHOUAT, SAADEDDINE IGAMANE, membre fondateur de l'Institut Interdisciplinaire des Sciences Sociales,
ainsi que de MOUNIR EL-GHAZOUI, président du
Réseau Marocain de l'Économie Sociale et Solidaire. Ont également pris part aux
discussions du panel, MUSTAFA A’OUIN, président du Centre d'études et de
recherches culturelles, sociales, économiques et stratégiques, ainsi que TAWFIQ EL-MA'KOUL, président du Centre International Al Wassit pour les
études stratégiques. La session a été modérée par FATIMA ZAHRA AKKIF, directrice des projets à Menassat.
AZIZ MECHOUAT : Le soutien juridique et stratégique
pour surmonter les défis de durabilité et de financement pour les centres de
recherche
En guise d’ouverture des discussions du Forum, AZIZ MECHOUAT a l'importance
des centres de recherche au Maroc en tant qu'institutions indépendantes des
murs universitaires, et le rôle complémentaire des centres de recherche dans le
développement des savoirs scientifiques. A ce titre, le centre Menassat avait lancé
une étude sur les centres de recherche, afin d’en dresser l’état des lieux. Statistiquement
parlant, le Maroc compte une quarantaine (40) de centres évoluant hors les
enceintes universitaires, 154 centres et
laboratoires affiliés aux universités, ainsi que près de 12 centres appartenant
à des institutions publiques.
AZIZ MECHOUAT a précisé que
l'une des missions phares des centres de recherche était la production de
connaissances, ainsi que l’expertise et le plaidoyer. En parallèle, ces centres
ont des fonctions qui se croisent avec celles de la société civile et des
bureaux d'études. Mechouat a souligné qu’en dépit de leur importance, les centres
de recherche sont confrontés à plusieurs défis dont essentiellement, la
volatilité des ressources humaines, 90 % d'entre ces institutions font face à
des problèmes de durabilité, de financement et le manque d'un cadre juridique
spécifique, ce qui entrave leur
fonctionnement et menace leur pérennité.
Etat faisant, MECHOUAT a proposé quelques pistes pour améliorer le vécu de ces centres de
recherche, dont entre autres: la consolidation de leur statut, le plaidoyer
pour un cadre législatif spécifique, adapté aux centres de recherche, la
création d'une plateforme nationale dédiée à la concrétisation de ces objectifs.
Avant de conclure, MECHOUAT a mis le point
sur l'importance de renforcer la coopération avec le tissu associatif en tant
que partenaire stratégique pour les centres de recherche.
SAADEDDINE IGAMANE : Les centres de recherche au Maroc
ont besoin d'intégration et de coopération pour garantir leur durabilité et
leur développement
Fort de son expérience dans la gestion du Centre
Interdisciplinaire des Sciences Sociales, SAADEDDINE
IGAMANE a insisté sur l'importance de la
"flexibilité" offerte par le cadre juridique associatif pour
constituer un groupe scientifique interdisciplinaire en dehors des laboratoires
de recherche universitaires, et sur la liberté de recherche en dehors des
contraintes académiques. Il a également estimé que la loi régissant les
associations permet aux enseignants-chercheurs de poursuivre leurs choix et
ambitions sociales et intellectuelles.
Concernant les missions principales des centres, IGAMANE a souligné la nécessité de contribuer à l'évaluation
des politiques publiques, la réalisation d'études et de rapports, et
d'impliquer les étudiants chercheurs dans les projets et recherches menées par
ces centres. Il a également précisé que l'avenir des centres de recherche
reposait sur la nécessité de leur intégration dans un cadre juridique
spécifique, pour les renforcer et les développer, tout en ouvrant la voie à la
coopération internationale, notamment celle avec l'Afrique.
MOUNIR EL-GHAZOUI : Les centres de recherche comme
pierre angulaire du développement d'une économie sociale durable et intégrée au
Maroc
Dans le sillon du forum, MOUNIR EL-GHAZOUI a souligné que l'objectif du Réseau Marocain de
l'Économie Sociale et Solidaire est de plaider pour un secteur économique
social et solidaire ayant les mêmes opportunités que les secteurs public et
privé. Le réseau œuvre pour faire de ce secteur une contribution réelle à
l'économie nationale en collectant et actualisant les données concernant ce
secteur, et en accompagnant les institutions et les individus au sein de ces
structures.
Dans ce sens, EL-GHAZOUI a mis en avant l'importance des centres de recherche pour la coopération
et le partage de ces missions afin de créer une économie sociale et solidaire
efficace et durable. Il a insisté sur l'importance de réfléchir à un
développement stratégique global qui dépasse les politiques d'urgence, et de
répondre aux problèmes immédiats à travers une approche holistique. Il a aussi
recommandé de mettre en place un fonds pour la recherche scientifique, ainsi
qu' un laboratoire national pour l'économie sociale et solidaire, qui inclurait
les centres de recherche, les acteurs sur le terrain, et les autres secteurs
gouvernementaux concernés, tout en renforçant la coopération internationale
pour développer le modèle de travail de ces centres et diffuser une culture de
soutien à la recherche scientifique chez les responsables territoriaux.
MUSTAFA A’OUIN : Revoir les politiques juridiques et financières
est essentiel pour réactiver le rôle des centres de recherche scientifique au
Maroc
MUSTAFA A’OUIN a souligné que
la constitution marocaine établit un cadre qui contribue au développement du
système de recherche et de formation au Maroc. Cependant, le problème du
financement représente un obstacle dans leur rôle des centres dans la promotion
de la recherche scientifique et la réalisation du développement durable. A’OUIN a appelé à renforcer la coopération entre le secteur
public et privé, à revoir les politiques de recherche scientifique et leur
impact, et à repenser le cadre juridique des institutions de recherche
marocaines, car la loi qui légifère les associations ne correspond plus au
modèle de fonctionnement actuel des centres.
TAWFIQ EL-MA'KOUL : Renforcer la recherche scientifique
nécessite la connexion des centres et l’échange des expériences réussies dans
un cadre juridique solide
Toujours en marge du Forum de la société civile, TAWFIQ AL-MA'KOUL a abordé dans son allocution, les rôles et missions
des institutions de recherche, qui consistent à promouvoir la valeur de la
recherche scientifique comme levier stratégique pour le développement des
politiques publiques. Il a également souligné qu’étant donné que les centres de
recherche n’étaient pas des espaces bénévoles, ceci nécessiterait, une
réflexion sur le cadre juridique adéquat qui leur convienne. Il a, par
ailleurs, souligné l'importance de poursuivre l'interconnexion entre les
centres et d'encourager l'échange d'expériences réussies en définissant les
éléments clés de cet échange, tout en élargissant le cercle des expériences
pour inclure les centres de recherche et échanger des pratiques sous forme de
guides et de rapports.
Les expériences des leaders associatifs : Un
capital à partager
Dans la continuité de la rencontre, un deuxième panel
a mis le zoom sur les expériences des responsables et présidents d’association.
Ont pris part à cette session, MOHAMED AMJAHID, président de l'Observatoire régional du droit à l'information, AMIN BAHA, directeur du Centre Al-Batha pour l'autonomisation des femmes, ainsi que SOUAD ATTIALI, présidente de l'Association Saïs pour la protection
de la famille et de l'enfance. Le panel a été modéré par Fatima Ika,
responsable des projets au Centre Menassat.
Dans le cadre des échanges d'expériences, AMIN BAHA a présenté les efforts déployés par le Centre
Al-Batha pour accompagner et autonomiser les femmes victimes de violence à Fès,
expliquant que l'objectif principal du centre est de protéger cette catégorie
au sein de la société, en offrant des conseils juridiques, un suivi
psychologique pour les femmes victimes de violence, mais aussi en assurant de
l'aide sociale et économique.
Pour sa part, SOUAD ATTIALI a mis en avant le travail intensif de l'Association Saïs pour la
Protection de la Famille et de l'Enfance, à travers une branche du plaidoyer
qui offre des conseils juridiques aux femmes et les accompagne dans l'accès à
la justice, tout en réalisant des projets avec divers partenaires locaux et
internationaux pour l'autonomisation économique et sociale des femmes en milieu
urbain et rural.
MOHAMED AMJAHID a, de son côté,
présenté le rôle de l'Union des Associations de la Ville de Fès dans
l'amélioration des ressources des familles, tout en travaillant parallèlement à
l'autonomisation patrimoniale et civilisationnel de l’ancienne ville de Fès,
afin de stabiliser les habitants et les protéger économiquement et socialement.
AMJAHID a également souligné la nécessité de réviser la
législation afin d'ouvrir davantage d'espace pour des interactions positives
entre la recherche scientifique et l'action civile.
La rencontre a également vu la participation de
plusieurs acteurs civiques de Fès qui ont présenté leurs expériences dans le
travail de terrain et leurs diverses activités dans la ville et la région. Ces
interventions ont contribué à renforcer la base de coopération entre les centres de recherche et les
institutions associatives. Les participants ont salué les initiatives d’interaction
entre les centres de recherche, en tant que domaine d'expertise théorique, et
la société civile, en tant que domaine pratique, et ont insisté sur la
nécessité de garantir la participation active des jeunes, en particulier face
aux défis posés par le système social, ce qui nécessite l'intégration des
questions relatives à la jeunesse dans les politiques publiques locales.
Pour rappel, cette cinquième session s’inscrit dans le
cadre des rencontres interactives autour du Forum de la société civile
scientifique au Maroc, un projet piloté par le centre Menassat. Ces rencontres
régionales ont posé le cap respectivement à Mohammedia, Casablanca, Tétouan,
Beni Mellal et Fès. L’objectif de ces rencontres est de dresser l’état des
lieux des centres de recherche marocains, de mettre le point sur les défis
auxquels ils sont confrontés, les obstacles qui freinent leur développement,
mais aussi les perspectives et recommandations pour améliorer leur statut et
garantir leur pérennité.